Numéro 47. Crises, révoltes, résignations
Avril 2010
Ce numéro est disponible en ligne sur le site du Cairn
http://www.cairn.info/revue-actuel-marx.htm
[Sommaire]
[Auteurs]
[Résumés]
Dans un contexte marqué par les
crises énergétiques et alimentaires, et par une forte délégitimation du
néolibéralisme, le capitalisme traverse depuis 2007 l’une des grandes crises de
son histoire. Pourtant, bien loin de signer la fin du néolibéralisme, cette
crise semble lui fournir l’occasion d’un nouveau développement. D’où une série
de révoltes qui restent cependant sporadiques et relativement isolées. D’où
également une résignation apparente.
Quelles sont les
médiations sociales qui conduisent de la crise à la lutte ou qui, au contraire,
font obstacle à la mobilisation collective ? La faiblesse des luttes sociales
s’explique-t-elle par les effets conjugués du néolibéralisme et de sa crise, ou
plutôt par la stérilité politique des dynamiques de révoltes tant qu’elles
restent abandonnées à leur propre spontanéité ? Historiens, sociologues, acteurs
du mouvement social et philosophes s’efforcent ici de répondre à ces questions.
SOMMAIRE
Présentation
Dossier : Crises, révoltes, résignations
Coordonné par Déborah Cohen et Bruno Tinel
Marie-Noëlle Abiyaghi, Greg Albo,
Kako Nubukpo, Rhina Roux, Son Youg Woo, Crises alimentaires et
économiques en Amérique, en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie : entre luttes
et résignation
Irene Viparelli, Crises, révoltes et
occasion révolutionnaire chez Marx et Lénine
Déborah Cohen et Jacques Guilhaumou,
Crises et révoltes sociales dans l’historiographie de la France contemporaine
Philippe Pierre-Charles, La dynamique de
la lutte sociale aux Antilles
Guillaume
Sibertin-Blanc, Crise et luttes étudiantes : dialectique de politisation et
questions de méthode
Marlène Benquet,
Le nouvel esprit du capitalisme aux prises avec les nouvelles radicalités
professionnelles
Emmanuel Renault, Bruno Tinel, Les
crises du néolibéralisme : processus de révolte et résignation
Intervention
Paul Sereni, Marx et le plan concerté,
un bref retour
Sonja Buckel, « La forme dans laquelle
peuvent se mouvoir les contradictions ». Pour une reconstruction de la théorie
matérialiste du droit
Massimiliano Tomba, La « véritable
politique ». Observations sur la justice et la politique
Ranabir Samaddar, Lire Foucault
à l'ère post-coloniale
Entretien
Axel Honneth, Tradition et actualité de
la théorie critique
Livres
AUTEURS
Marlène Benquet enseigne à l’université de Paris 5 et prépare une
thèse de sociologie sous la direction de Stéphane Beaud (CMH, ENS-EHESS). Ses
recherches portent sur les relations professionnelles et les mobilisations
salariales dans la grande distribution. Elle est notamment l’auteur de « La
grève des caissières : une lutte improbable ? » (URL : http://www.contretemps.eu/interventions/greve-caissieres-lutte-improbable)
Sonja Buckel est chercheure à l’Institut de recherches sociales de Francfort.
Après avoir étudié le Droit et les sciences politiques, elle a obtenu son
doctorant de philosophie à l’Université de Francfort en 2006. Sa thèse a été
publiée sous le titre Subjektivierung und Kohäsion. Zur Rekonstruktion einer
materialistischen Theorie des Rechts (Velbrück Wissenschaft, 2007). De
2001-2009, elle fut assistant scientifique au département de sociologie de
Francfort et professeure invitée pour les cours de « Droit et économie » en
2007/2008 dans le master « European Studies » de l’université de Flensburg. Elle
est co-directrice de la revue Kritische Justiz.
Déborah Cohen est maître de Conférences à l’Université de Provence. Son premier
livre est à paraître au printemps 2010 chez Champ Vallon, sous le titre La
nature du peuple. Les formes de l’imaginaire social (XVIIIe-XXIe). Ses travaux
portent en particulier sur les représentations du monde populaire et sur le
fonctionnement de la justice au XVIIIe siècle.
Jacques Guilhaumou est directeur de recherche au CNRS en sciences du langage
dans l'UMR « Triangle », Université de Lyon, CNRS/ENS-LSH. Historien du
discours, son dernier ouvrage s'intitule Discours et événement, l'histoire
langagière des concepts, Presses Universitaires de Franche-Comté. Historien de
la Révolution française, il publie prochainement son second ouvrage sur Sieyès
sous le titre Sieyès et l'ordre social. Il vient également de rédiger, en
hommage à l'Université et ses luttes anciennes et récentes, ses Mémoires
d'étudiant à Nanterre en mai 1968, à paraître en 2010.
Axel Honneth est professeur de philosophie à l’Université de Francfort et
directeur de l’Institut de recherche sociale. Ses travaux principaux portent sur
l’histoire de la théorie critique, sur la philosophie politique et la
philosophie sociale. Parmi ses publications traduites en français, on compte :
La lutte pour la reconnaissance (Cerf, 2000), La société du mépris. Vers une
nouvelle théorie critique (La Découverte, 2006), La réification. Petit traité de
théorie critique (Gallimard, 2007) et Pathologies de la liberté. Une
réactualisation de la philosophie du droit de Hegel (La Découverte, 2008)
Philippe Pierre-Charles est actuellement président du Collectif du 5 février. Il
appartient à la centrale syndicale CDMT dont il est l'un des secrétaires
généraux. Professeur d'histoire depuis peu à la retraite, il a été pendant des
années secrétaire du SNETAA-Martinique. En 2005-2006 il a participé à la
préparation et à l'animation du premier Forum Social Caribéen en Martinique puis
en 2007 du premier Forum Social des Petites Antilles Créolophones dans l'île de
la Dominique. Politiquement, il milite au Groupe Révolution Socialiste.
Emmanuel Renault est maître de conférences de philosophie à l’École normale
supérieure de lettres et sciences humaines (Lyon). Il a notamment publié Marx et
l’idée de critique (PUF, 1995), Mépris social (Éditions du Passant, 2000),
Hegel. La Naturalisation de la dialectique (Vrin, 2001), Le Vocabulaire de Marx
(Ellipses, 2001), Où en est la Théorie critique ? (co-direction avec Y. Sintomer,
La Découverte, 2003), L’Expérience de l’injustice (La Découverte, 2004) et
Souffrances sociales (La Découverte, 2008). Il a récemment dirigé le volume
Lire
les Manuscrits de 1844 (PUF, 2008) et il est le co-auteur (avec G. Duménil et M.
Löwy) de Lire Marx (PUF, 2009) et de Les 100 mots du marxisme (PUF, 2009).
Ranabir Samaddar est directeur du Calcutta Research Group. Il fut l’un des
initiateurs des « peace studies programmes » en Asie du sud et ses recherches
ont porté principalement sur les questions de la justice et des droits dans le
contexte des conflits en Asie du sud. L’ouvrage The Politics of Dialogue (Ashgate,
2004) en fut le principal résultat. Ses recherches ont également porté sur les
migrations et les réfugiés, sur la pratique et la théorie du dialogue, sur les
structures étatiques nationales et post-coloniales en Inde, et sur les nouveaux
régimes de restructuration technologique et de contrôle du travail. Il est
l’auteur d’une trilogie sur le nationalisme indien (Whose Asia Is It Anyway –
nation and The Region in South Asia, 1996, The Marginal Nation – Transborder
Migration from Bangladesh to West Bengal, 1999, A Biography of the Indian
Nation, 1947-1997, 2001). Ses écrits politiques récents ont été publié dans
The
Materiality of Politics (Anthem Press, 2007, 2 vol.) et dans The Emergence of
the Political Subject (Sage, 2009).
Paul Sereni, agrégé de philosophie et docteur es-lettres, enseigne dans le
secondaire. Il a publié en 2007 aux éditions L’Harmattan: Marx, la personne et
la chose et publie des articles dans Actuel Marx. Il prépare un ouvrage sur le
concept de communauté chez Marx à paraître prochainement.
Guillaume Sibertin-Blanc est docteur en philosophie, enseigne la philosophie à
l’Université Toulouse-Le Mirail. Chercheur associé au Consortium Mundus
EuroPhilosophie et au Centre International d’Etude de la Philosophie Française
Contemporaine (ENS Paris), il coordonne le Groupe de Recherches
Matérialistes-ERRAPHIS/CIEPFC. URL : http://www.europhilosophie.eu/recherche/spip.php?article405.
Ses recherches portent sur l’histoire de la pensée politique contemporaine, et
sur les pratiques théoriques entre philosophie et sciences humaines et sociales.
Parmi les parutions récentes : Philosophie politique XIXe –XXe siècles (PUF,
2008), Esquisse d'une contribution à la critique de l'économie des savoirs (Le
Clou dans le Fer, 2009 ; avec S. Legrand), Deleuze et l'anti-Oedipe. La
production du désir (PUF, 2010).
Bruno Tinel, économiste, est maître de conférences à l'université Paris 1 et
membre de l'axe « Institutitions » (ex équipe Matisse) du Centre d’Économie de
la Sorbonne. Il est membre de l’International Initiative for Promoting Political
Economy (IIPPE) et cofondateur de l’Association Française d’Economie Politique (AFEP),
lancée fin 2009. Il a notamment publié « A quoi servent les patrons? » Marglin
et les radicaux américains, ENS Editions, 2004. Il a aussi publié plusieurs
articles en collaboration sur les rapports de sous-traitance (notamment dans
Actuel Marx n° 41) et sur l’endettement public (notamment « L’épouvantail de la
dette publique », Le Monde Diplomatique, juillet 2008).
Massimiliano Tomba est « ricercatore » en philosophie politique à l’Université
de Padoue. Il a étudié la philosophie à Padoue, Pise, Würzburg et Munich. Ses
recherches portent sur la philosophie classique allemande et la réflexion
politique post-hégélienne. Auteur de différentes études sur Kant, Hegel et Marx,
il a notamment publié : Crisi e critica in Bruno Bauer. Il principio di
esclusione come fondamento del politico (Bibliopolis, 2002), La vera politica.
Kant e Benjamin: la possibilità della giustizia (Quodlibet, 2006). Il prépare
actuellement une monographie sur le concept de temps historique chez Marx :
Strati di tempo. Karl Marx materialista storico.
Irene Viparelli est docteur en philosophie, membre du NICPRI.UE (Centre d’Études
politiques et sociaux de l’Université de Evora - Portugal), du groupe de
recherche de Philosophie contemporaine « Krisis » (associé au département de
philosophie de l’Université d’Evora - Portugal) et du Comité de Rédaction de la
revue Revista Germinal : marxismo e educação em debate. Elle est l’auteure de
plusieurs articles sur l’influence de la révolution de 1848 sur la théorie
révolutionnaire de K. Marx (parmi lesquels « Marx e la rivoluzione del 1848 »,
Logos, n° 4-5, Napoli, 2009-2010 ; « Crise et conjoncture révolutionnaire : Marx
et 1848 », Actuel Marx, n° 46, 2009) et sur Žižek e Negri : « O materialismo
dialéctico de Žižek. Uma nova teoria revolucionaria révolutionnaire ? » en cours
de publication dans J. L. Camara Leme – E. Pellejero (organizadores), Pensar
Zizek, Lisboa, UNL-FCT, 2009 ; « A cisão pós-moderna de crise e revolução.
Algumas reflexões sobre Žižek e Negri », en cours de publication dans Germinal : marxismo e educação em debate, n° 2, Paraná – Brasil, 2010).
RESUMES
Marie-Noëlle Abiyaghi, Greg Albo, Kako Nubukpo, Rhina Roux, Son Youg Woo,
Crises alimentaires et économiques en Amérique, en Afrique, au Moyen-Orient et
en Asie : entre luttes et résignation
Quelles sont les différentes dynamiques de crise, de révolte et de résignation
sur les continents américain et africain, au Proche Orient et en Asie ? Quels
sont leurs effets sur les politiques de « sortie de crise » ? Greg Albo
(Canada), Kako Nubukpo (Togo), Rhina Roux (Mexique), Marie Noëlle Abiyaghi
(Liban) et Son Youg Woo (Corée) répondent à ces questions. Ils considérent les
conséquences du capitalisme néolibéral et de la séquence crise alimentaire/crise
pétrolière/crise financière/crise économique, et en expliquant comment elles
s’inscrivent dans leurs contextes régionaux sous des formes spécifiques.
Marlène Benquet, Le nouvel esprit du capitalisme aux prises avec les nouvelles
radicalités professionnelles
L’année 2008-2009 a été marquée par la multiplication de conflits professionnels
procédant d’un schéma commun de mobilisation. Internes à la sphère productive,
ils font suite à l’annonciation d’une cessation partielle ou totale d’activité
et se donnent pour finalité la sauvegarde de l’emploi et/ou la négociation du
montant des primes de départ supra-légales. L’objectif de ce travail est de
confronter le modèle théorique d’articulation des concepts de cité et de
critique exposé dans Le nouvel esprit du capitalisme de Luc Boltanski et Ève
Chiapello, aux caractéristiques des nouveaux régimes discursifs apparus à
l’occasion de ces récents conflits en traitant deux questions. Notre hypothèse
est que le régime discursif mobilisé par les promoteurs d’actions dites
radicales excède un modèle d’intelligibilité essentiellement construit autour de
la référence à la critique corrective et échouant à rendre compte du lieu où
s’ancre le discours de la critique radicale.
Sonja Buckel, « La forme dans laquelle peuvent se mouvoir les contradictions ».
Pour une reconstruction de la théorie matérialiste du droit
This text sets out with the legacy of Marxist legal theory in the last century
in order to update the various attempts to grasp the connection between
capitalist mode of production and modern law. As a result of a critical inquiry
of its merits and failures it tries to re-construct the findings to an updated
version of a materialist legal theory. The main argument is that law in
capitalist societies takes the form of a technology of cohesion possessing its
own logic of self reproduction. Its ´relational autonomy` is an effect of its
autonomisation from social relations behind the back of its producers and at the
same time the main condition for a delay of power. Under this structural
conditions of the legal form, juridical intellectuals are organising Hegemony
via the infrastructure of the seemingly neutral legal argumentation.
Déborah Cohen et Jacques Guilhaumou, Crises et révoltes sociales dans
l’historiographie de la France contemporaine
À distance d'une notion de crise prise comme un état de fait, l'abord de la
crise sous l'angle des Révolutions françaises (1789, 1831-1834, 1848, 1870,1968)
permet aux deux auteurs d'interroger les « moments de crise » au prisme des
apports historiographiques de plusieurs générations d'historiens. Au plus loin
de la vision libérale des révoltes sociales sans projet politique, un tel abord
historien met en scène un peuple, une plèbe, un prolétariat se dévoilant avant
tout comme sujet politique. Pour être opératoire et ne pas empêcher toute
compréhension d'un phénomène révolutionnaire, le concept de crise conjoncturelle
est alors combiné avec du temps plus long, avec une compréhension des mouvements
organiques de la société. Penser le moment la crise permet de penser autrement
la révolution et d'en saisir l'ancrage temporel à la fois profond et immédiat,
organique et occasionnel, ou processus.
Axel Honneth, Tradition et actualité de la théorie critique
Dans cet entretien, Axel Honneth revient sur son intinéraire, à partir de Marx
et à travers la Théorie critique. Il présente la manière dont il se situe par
rapport aux différents courants de la philosophie politique contemporaine, et
par rapport aux différents programmes de recherche contemporains en théorie
critique. Sont notamment abordés la place qui peut revenir à une philosophie
sociale et le sens du regain d’intérêt pour Adorno.
Philippe Pierre-Charles, La dynamique de la lutte sociale aux Antilles
Quels sont les ressorts, le contexte et les acteurs des mobilisations
considérables qui marqué le printemps 2009 aux Antilles ? Comment s’articulent
la lutte contre l’exploitation et contre la permanence des structures coloniales
? Quelles sont les différences principales entre la Guadeloupe, la Martinique et
la Guyane sur ces différents points ? Telles sont les principales questions qui
sont considérées dans cet entretien.
Emmanuel Renault, Bruno Tinel, Les crises du néolibéralisme : processus de
révolte et résignation
L’objectif de cet article est d’inscrire la crise actuelle dans l’histoire du
néolibéralisme et de ses crises. Il rappelle qu’elle fait suite à une série de
crises financières et économiques, auxquelles s’ajoutent des crises alimentaires
et énergétiques. Il analyse les différents effets sociaux du néolibéralisme à
partir du retour à la logique de la production de survaleur absolue à la suite
d’une révolte de la bourgeoisie financière contre l’État social. Il s’interroge
en outre sur l’effet des différentes formes résistances au néolibéralisme sur
ces modes de légitimation. S’intéressant tout particulièrement à la situation
française, il soutient que les réactions à la crise, de la révolte à la
résignation, s’expliquent tout autant par les effets sociaux structurels du
néolibéralisme que par la crise de légitimité dans laquelle il est entré.
Ranabir Samaddar, Michel Foucault in this Post-Colonial Time
In our time of globalisation and post-colonial existence what sense do the
writings of Michel Foucault give to us? This essay discusses the reception of
Foucault in India. It shows how new researches in the areas of law,
extra-ordinary powers, nature of sovereignty, exceptions, etc., integrate
Foucault’s ideas in a creative way and with a kind of non-conformity and
radicality that the post-colonial society is generating now. We cannot forget
that already social inquiries into the body and the physical aspects of our
political life have taken interesting new turns; but this is nothing new. The
entire tradition can be described in the phrase of Lenin, “militant materialism”.
Paul Sereni, Marx et le plan concerté, un bref retour
En revenant à grands traits sur la controverse du calcul socialiste,
c’est-à-dire la possibilité de tenir une comptabilité rationnelle dans une
économie communautaire, qui opposa dans les années 1920 socialistes et libéraux,
le but est de montrer :1) que les termes cette controverse relativement
particulière concernent directement certaines des assertions de Marx, notamment
celles qui portent sur l’association à venir ; 2) que le débat, moins clos que
l’on ne pourrait le penser, est difficile à poser sans poser aussi en même temps
une problématique de la propriété. Ainsi, le détour par la brève étude de
l’objection libérale permet d éclairer les représentations marxiennes d’une
association communautaire.
Guillaume Sibertin-Blanc, Crise et luttes étudiantes : dialectique de
politisation et questions de méthode
Observant la reviviscence actuelle des mobilisations de larges fractions de la
jeunesse étudiante à l’échelle européenne, on avance ici l’hypothèse que ces
mobilisations réactivent un processus de politisation de plus longue durée qui
en supporte les dynamiques et en éclairent les problèmes et les ambivalences. On
propose sur cette base quelques éléments d’analyse de ce processus, dont la
dialectique articule a/ l’inscription structurelle des appareils universitaires
du capitalisme avancé dans la reproduction des rapports socio-économiques et des
rapports socio-idéologiques, b/ et les conjonctures de lutte sous lesquelles
l’université a été investie. Deux facteurs d’intensification de cet antagonisme
sont identifiés pour finir : une dialectique de politisation et de
dépolitisation des pratiques du savoir dans les rapports internes à
l’institution ; une « intrusion » de la conjoncture internationale dans les
mobilisations étudiantes, qui potentialise une désidentification d’avec le cadre
étatique-national, et qui conduit à donner toute son importance, en raison même
de sa fragilité ou de ses ambiguïtés, à la dimension européenne des luttes en
cours.
Massimiliano Tomba, La « véritable politique ». Observations sur la justice et
la politique
The focus of this article is on the foreclosure of justice from the
constellation of modern political concepts, that is, the erosion operated by
modernity of the conditions which would allow to pose the question of justice.
The failure of all modern attempts to think the right of resistance shows the
collapse of the idea of justice, now reduced to either a procedure or to the
will of majority. From this point of view, justice is the simply the advantage
of the stronger, as we can see in Thrasymachus' position already criticised by
Plato. The very crisis we are facing today doesn’t involve only economics but
also law and politics, and can be seen as the chance to re-open the question
about justice. In order to do this, we need to go beyond the principle of
majority. The true politics, an idea that traverses Kant and Walter Benjamin,
moots the question of justice beyond the doxastic horizon and re-opens the
Socratic conflict between truth and opinion. The core of the problem is the
possibility of a real political change in this political form, the modern
democracy, which represents itself as absolute and un-transcendable.
Irene Viparelli, Crise, révoltes sociales et occasion révolutionnaire chez
Marx et Lénine
Aborder le problème du lien entre crises et révoltes sociales dans le marxisme
s’avère une tâche tout à fait problématique, la « révolte » se présentant comme
« objet caché » dans la question plus générale de la relation entre crises et
occasions révolutionnaires. La première partie de l’article traite d’une série
de questions préalables : qu’entendre par « crise », « révolte » et «
conjoncture révolutionnaire » ? Quel rôle jouent les révoltes à l’intérieur des
conjonctures révolutionnaires ouvertes par les crises ? La suite de l’article se
focalise sur les analyses marxiennes des conjonctures de 1848 et de 1870 et sur
celles de Lénine portant sur les conjonctures de 1905 et 1917. Il s’agit de deux
façons tout à fait différentes de décliner le problème du lien entre crise,
révolte et révolution : alors que Marx conçoit le passage de la révolte à la
révolution comme un procès d’auto-transformation et d’autoémancipation, se
réalisant par le biais de la praxis des masses, Lénine, au contraire, conçoit ce
passage comme un « saut », s’accomplissant seulement à travers la relation
dialectique entre le Parti d’avant-garde et les masses.
|